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1.2.3 L'impédance d'antenne et l'expression du bruit thermique

Revenons à notre antenne électrique immergée dans un plasma: L'équation 1.33 et la permittivité permet de décrire les fluctuations électrostatiques du plasma près de la fréquence plasma, lesquelles vont induire des courants dans l'antenne obéissant à la loi d'Ohm, ce qu'on peut décrire formellement par l'intermédiaire d'une impédance d'antenne complexe $Z(\omega)$ telle que $dE= Z dJ$, ce qui donne, dans un plasma isotrope
$\displaystyle Z=\frac{1}{-i(2\pi)^3 \epsilon_0 \omega}
\int d^{3}k\left\vert
\f...
... \epsilon_0 \omega} \int_0^\infty dk
\frac{F(k)}{\epsilon_L(k,\omega)}
\protect$     (1.38)

$F(k)$ est une des réponses d'antenne (1.6) ou (1.7) définies section 1.2.1.

Finalement, dans un plasma à l'équilibre thermique à la température T, la puissance spectrale collectée par l'antenne d'impédance $Z$ est:

\begin{displaymath}
V^2_\omega= 4 K_B T {\rm Re}(Z(\omega))
\end{displaymath} (1.39)

Ce qui, compte-tenu des équations 1.36, 1.37 et 1.38 s'écrit:
$\displaystyle V^2_\omega$ $\textstyle =$ $\displaystyle \frac{16 k_B T}{\pi^2 \epsilon_0 \omega} \int_0^\infty
\frac{F(k) {\rm Im}(\epsilon_L) dk}{\vert\epsilon_L\vert^2}$ (1.40)
  $\textstyle =$ $\displaystyle \frac{8\sqrt{2 m_e K_B}}{\pi^{3/2}\epsilon_0} \sqrt{T}
\int_0^\infty \frac{F(uL/L_D) e^{-z^2} u du}{[u^2+1-\phi(z)]^2+\pi z^2 e^{-2z^2}}$ (1.41)

où on a effectué le changement de variable $u=kL_D=\frac{1}{\sqrt{2}}\frac{\omega}{\omega_p}\frac{1}{z}$.

En unités SI, cela donne:

\begin{displaymath}
V^2_\omega \simeq 8.138\,10^{-16} \sqrt{T}
\int_0^\infty \f...
...(u L/L_D) e^{-z^2} u du}{[u^2+1-\phi(z)]^2+\pi z^2
e^{-2z^2}}
\end{displaymath} (1.42)

où la puissance $V^2_\omega$ est donc exprimée en ${\rm V}^2/{\rm Hz}$ et la température $T$ du plasma est exprimée en degrés Kelvin, l'intégrale $I$ de (1.42) ne dépendant que des rapports $\omega/\omega_p$ et $L/L_D$. La difficulté du calcul numérique de cette intégrale réside essentiellement dans l'existence, lorsque $\omega/\omega_{p} \ge 1$, de quasi pôles $u_{p}$ qui vérifient $u_{p}^2+1-\phi(z_{p})=0$. En approximant $\phi$ au second ordre en $1/z^{2}$, on obtient l'approximation de $u_{p}$ suivante (valide pour $u_{p}\ll 1$ soit $\omega \sim \omega_{p}$): $u_{p}=\sqrt{\frac{\omega^{2}/\omega_{p}^{2}-1}{3}} $ et en intégrant par résidu, on obtient la contribution $I_{p}$ à l'intégrale $I$ suivante:
$\displaystyle I_{p}=\frac{1}{3}\sqrt{\frac{\pi}{2}} \frac{F(u_{p}
L/L_D)}{u_{p} \omega/\omega_{p}}$     (1.43)

Capacité de base du satellite et capacité d'antenne

Jusqu'ici, on s'est seulement préoccupé de calculer la ddp qui devrait être mesuré aux bornes d'une antenne immergée dans un plasma: bien entendu cette mesure ne peut être faite que si l'antenne est connectée à un récepteur (généralement équipé d'un amplificateur), lequel est monté sur une sonde spatiale. Du point de vue de l'expérimentateur, tout cet équipage peut être considéré comme un circuit d'impédance finie $Z_{S}$ mis en parallèle aux bornes de l'antenne d'impédance $Z$. La puissance spectrale réellement mesurée $V_{R}^{2}$ est alors:

\begin{displaymath}
V_{R}^{2}= V^{2} \frac{\vert Z_{S}\vert^{2}}{\vert Z_{S}+Z\vert^{2}}
\end{displaymath} (1.44)

Si la mesure est correctement calibrée et si l'instrument est bien isolé (sans influence électromagnétique extérieure) $Z_{S}$ est équivalente à une capacitance $Z_{S}=1/C_{b}\omega$, où $C_{b}$ est la capacité de base de l'instrument (qui est en principe connue avant le lancement du satellite). En notant $C_{a}=1/$Im$(Z)\omega$ la capacité de l'antenne, (1.44) devient
\begin{displaymath}
V_{R}^{2}(\omega)= V_{\omega}^{2} \frac{C_{a}^{2}}{(C_{a}+C_{b})^{2}}=
V_{\omega}^{2} / \Gamma_{\omega}^{2}
\end{displaymath} (1.45)

En principe, on peut déduire la valeur exacte de $C_{a}$ de l'équation (1.38), ce qui donne:

$\displaystyle \frac{1}{C_{a}}$ $\textstyle =$ $\displaystyle \frac{4}{\pi^2 \epsilon_0 L_{D}} \int_0^\infty
\frac{F(k) {\rm Re}(\epsilon_L) dk}{\vert\epsilon_L\vert^2}$ (1.46)
  $\textstyle =$ $\displaystyle \frac{4}{\pi^2 \epsilon_0 L_{D}}
\int_0^\infty \frac{F(uL/L_D) [u^2+1-\phi(z)] u^{2} du}
{[u^2+1-\phi(z)]^2+\pi z^2 e^{-2z^2}}$ (1.47)

Mais le calcul numérique de cette intégrale est assez coûteux, d'autant qu'elle prend l'essentiel de sa valeur pour $k\gg 1$ et il faut donc prendre en compte dans le calcul de la réponse $F$ (Eqs 1.6 et 1.7) le terme dépendant du rayon $a$ de l'antenne que l'on pouvait négliger lors du calcul de la résistance Re($Z$). On peut vérifier en réalisant ce calcul que la capacité d'antenne varie en réalité très peu avec la fréquence, excepté très près de la fréquence plasma et peu être avantageusement modélisée par une fonction en marche d'escalier de part et d'autre de la fréquence plasma définie comme suit:

La prise en compte d'une population d'électrons suprathermiques

Lorsqu'on modélise le bruit thermique avec les approximations faites auparavant et qu'on confronte ce modèle avec par exemple un spectre radio acquis par Ulysse dans le vent solaire -fig. 1.5- , on voit sur la figure que:

  1. le niveau de bruit est mal modélisé en basse fréquence ($\ll \omega_p$), ce qui est dû à la fois à la non prise en compte du bruit d'impact des particules sur l'antenne et surtout du bruit thermique des protons décalé Doppler par la vitesse d'expansion du vent solaire (de l'ordre de 400 km/s dans l'Écliptique). Pour ce dernier, nous renvoyons le lecteur intéressé à []1.15. Pour le bruit d'impact, on peut l'estimer (en considérant que les processus de charge de l'antenne sont uniquement les impacts d'électrons et d'ions et les émissions photo-électroniques) par $V_I^2= 2 e^2 \tau_e \vert Z\vert^2$$\tau_e$ est le taux d'impact des électrons sur la surface d'un d'antenne (d'un brin ou d'une boule). Ce taux est donné par $\tau_e = 1/\sqrt{4\pi} n_e v_{th} S$$S$ est la surface soit du brin soit de la boule formant l'antenne. Pour une antenne brin comme celle d'Ulysse, avec $L \gg L_D$ et $\omega/\omega_p < 1$ (sinon c'est complètement négligeable) on peut en donner l'approximation suivante:
    \begin{displaymath}
V_I^2= V^2 4a\frac{[\ln(L_D/a)]^2}{\pi^2 L_D (\omega/\omega_p)^2}
\end{displaymath} (1.50)

    On voit sur la figure 1.5 que cette contribution du bruit d'impact est de toutes façons insuffisante pour rendre compte de l'accroissement du bruit mesuré vers les basses fréquences, lequel est en fait dominé par le bruit décalé Doppler des protons.
  2. le niveau de bruit est mal modélisé pour les fréquences supérieures a $\omega_p$, ce qui est dû à la non prise en compte d'une composante d'électrons «chauds» (ou suprathermiques ou de halo) dans le vent solaire (environ 5% d'électrons 10 fois plus chauds). Nous avons en principe les outils pour calculer la contribution de cette population: il suffit en effet d'utiliser l'équation 1.34 pour calculer la permittivité en tenant compte de deux populations maxwelliennes d'électrons (core + halo) au lieu d'une. Néanmoins ce calcul double le nombre d'intégrations et les difficultés numériques, sans changer la nature de ces difficultés. Dans le cadre de notre projet qui doit nous amener à ajuster le modèle aux mesures d'Ulysse par la méthode de Levenberg-Marquardt, ce calcul double aussi le nombre de paramètres à ajuster: c'est pourquoi nous allons utiliser une astuce pour tenir compte de ces électrons chauds et maintenir ainsi le nombre de paramètre à trois: la densité, la température et un paramètre «rendant-compte» de la présence des chauds. L'astuce repose sur la remarque suivante: les électrons chauds ne modifient que très peu les grandeurs caractéristiques du plasma telles que la fréquence plasma ou la longueur de Debye (donc la densité et la température), par contre leur présence modifie fortement l'équation de dispersion du plasma $\epsilon_L=0$, c'est-à-dire surtout la position du pôle $u_{p}$ intervenant dans le calcul de l'intégrale $I_p$ (Eq.1.43). On va faire l'hypothèse (purement ad-hoc et un peu fausse) que les chauds n'interviennent que de cette façon dans le bruit, et l'on va introduire un «facteur de déplacement» $\tau > 1$ du pôle $u_p$ qui modifiera simplement la contribution de l'intégrale $I_p$ de sorte que:
    $\displaystyle I_{p}=\sqrt{\frac{\pi}{6}} \frac{F(\tau u_{p}
L/L_D)}{(\omega/\omega_{p})^{1/\tau^2} \sqrt{\omega^2/\omega_{p}^2 - 1}}$     (1.51)

    On ajustera ce paramètre $\tau $ en même temps que la densité et la température, mais on se gardera d'en donner une interprétation physique.
Pour résumer et conclure, le bruit thermique modélisé aux bornes de l'antenne aura, avec les notation qui précèdent, l'expression suivante:
\begin{displaymath}
V^2_{R}(\omega) =
\frac{8.138\,10^{-16}\sqrt{T}}{\Gamma^{2}...
...{[u^2+1-\phi(z)]^2+\pi z^2
e^{-2z^2}} + I_{p} \right] + V_I^2
\end{displaymath} (1.52)

Figure 1.5: Spectre basse fréquence obtenu par Ulysse dans le vent solaire. Les points reliés par des lignes blanches sont les mesures en $V^2/$Hz de la puissance collecté par l'antenne S pour chacun des 64 paliers de fréquence. La courbe rouge est un modèle de spectre calculé pour $f_p=23$kHz et $T=80000$K, tenant dompte de la capacitance de l'instrument, mais calculé sans tenir compte ni du bruit d'impact ($f<f_p$), ni de la présence d'un halo d'électrons chauds ($f>f_p$). La courbe bleue en tient compte comme expliqué ci-dessus (Rq: aucun modèle représenté ici ne tient compte du bruit protonique décalé Doppler)
\begin{figure}
\centerline {\epsfig{file=spref.ps,width=12cm,angle=-90}}\protect\end{figure}


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Michel Moncuquet
DESPA, Observatoire de Paris
2001-03-05