Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

Hommage à Ludwik Celnikier

Ludwik Celnikier 1940-2022

Ludwik Celnikier nous a quittés le samedi 14 mai 2022. Il avait eu 82 ans le dimanche précédent.

Après des études à l’Imperial College de Londres, il a commencé sa carrière de chercheur dans le domaine de la physique nucléaire au CERN. Là, il a rencontré Evry Schatzman qui l’a attiré vers l’astrophysique. Fin 1972, Ludwik est ainsi arrivé à l’Observatoire de (Paris à) Meudon. Grand physicien, sa culture scientifique embrassait une immense part de la physique, pour laquelle l’astrophysique était un domaine d’application (presqu’un terrain de jeux) idéal. Esprit libre se tenant à l’écart de toute mode ou convention, il a abordé des sujets de recherche très variés, de la scintillation et la diffusion aux fluctuations de densité et à la turbulence dans le plasma du vent solaire, en passant par la détection de la turbulence en ciel clair, un modèle de sursauts X, ou les jets relativistes. Certains de ces travaux ont joué un rôle fondateur dans leur domaine.

Mais Ludwik était avant tout un formidable pédagogue. Sachant mieux que personne restituer la physique des phénomènes astrophysiques à l’aide de mathématiques simples, il a formé quantité d’étudiants du DEUG au DEA (traduction pour les jeunes : du L2 au M2), ainsi qu’en école d’ingénieurs. Nombre d’entre eux sont devenus chercheurs. Car, plus encore que son excellence à faire comprendre la physique, c’est sa capacité à la faire aimer qui faisait de lui un enseignant exceptionnel. Il se donnait sans compter pour ses étudiants (un cours d’une heure en durait bien trois dans son référentiel), et ceux-ci conservent en retour la reconnaissance d’avoir été parmi ses élèves pendant quelques années. Ils ne l’oublieront pas de sitôt.

Outre les innombrables “polycopiés” de cours – émaillés de citations et dessins humoristiques – qu’il a rédigés et distribués à ses étudiants de tous niveaux, Ludwik a publié une quinzaine d’articles dans des revues internationales de physique pédagogique (de pédagogie physique ?), et contribué à diverses encyclopédies (l’Astronomie Flammarion, notamment). On (re)lira avec délices ses “Variations sur le néant” (Bulletin de la Société Française de Physique, 1991), où Ludwik brossait sur la base d’équations simples un tableau de toute la cosmologie du moment.

Entre 1986 et 2006, il a publié quatre monographies. Dans ses deux “Basics of…”, à destination des étudiants et chercheurs, il détaille avec une grande originalité et sa pédagogie habituelle la physique de toutes les structures cosmiques, et celle du vol spatial. Ses deux autres ouvrages, “Histoire de l’astronomie occidentale” et “Histoire de l’astrophysique nucléaire”, sont des références témoignant de l’immense culture de Ludwik, dans laquelle il enracinait son approche de la physique. Dans la préface de l’Histoire de l’astronomie occidentale, Jean-Claude Pecker écrit ainsi : « … si l’auteur est, par profession, un astronome, sa culture est si vaste et diverse que le ciel, l’Univers plutôt, est aussi pour lui l’occasion de se montrer, en effet… universel ».

Doté d’un verbe impeccable en anglais comme en français, et de beaucoup d’humour, Ludwik savait passionner son auditoire, à l’écrit comme à l’oral. Ses livres et articles associent le plaisir de la langue à la profondeur des idées. Avec le “Basics of Cosmic Structures”, il réussit le tour de force d’écrire un ouvrage de 400 pages, incroyablement clair … sans une seule figure ni schéma !

A la même époque, œuvrant infatigablement pour la transmission et le brassage des idées en physique, il organise ou co-organise plusieurs colloques internationaux dans des domaines allant des sciences planétaires à la cosmologie, en France et au Vietnam, et édite leurs actes.

En parallèle, Ludwik s’investit aussi dans la transmission au grand public. Dans les années 1980, il organise ou co-organise des écoles d’été pour enseignants du secondaire. Au milieu des années 1990, invité au Festival d’Astronomie de Haute-Maurienne pour une conférence d’une heure, il parle pendant 5 heures sur 2 jours, devant un public qui en redemande. Ludwik lui en redonnera en devenant pendant près de 20 ans un pilier du Festival, donnant cours, conférences et contribuant à son organisation.

Là aussi, il a laissé sa marque durable, mélange de rigueur scientifique, de culture, de clarté, de passion, de non-conformisme, d’ironie souriante, parfois moqueuse, mais toujours empreinte de gentillesse, suscitant au final de solides amitiés. S’il était réservé sur le plan personnel, ses collègues chercheurs ou enseignants, ses étudiants ou élèves, tous ceux avec qui il a interagi pour organiser écoles, colloques ou festival, peuvent témoigner que les interactions avec lui étaient tout sauf moroses.

Bref, Ludwik Celnikier aura été un sacré personnage pour les uns, un type formidable pour les autres, un esprit libre en tous cas. Il fait partie de ces personnes dont on aime à savoir qu’elles existent, même si on ne les croise que rarement. Il est parti à l’improviste. Il va énormément nous manquer. Et nous pensons bien sûr à son épouse Laurence.

Ludwik a été inhumé le 19 mai 2022 au cimetière de Trivaux à Meudon.

Philippe Zarka, avec les contributions de Jean Tran Than Van, Arturo Ortega-Molina, Jean-Louis Masnou, Bernard Leroy, Pierre Léna, Catherine Lacombe, Marie-Pierre Issartel, Pierre Huart, Christian Gouiffes, Eric Gérard, Sidonie Foadey, Yves Delaye, Patrick Canu, Jean-Louis Bougeret, Jean Aboudarham


Témoignages

Ludwik etait une personnalité marquante qui a beaucoup compté pour la discipline, en particulier les jeunes.

Louis Fayard

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J’ai suivi mes premiers cours d’astronomie dans le C4 (certificat de maîtrise à l’époque) que Ludwik animait à Paris 6 dans les années 75. Oui, c’était un formidable pédagogue, et il savait développer l’intuition des étudiants en physique en enseignant à partir d’exemples et d’exercices - une méthode très différente de ce que j’avais expérimenté auparavant dans les cursus français. J’ai eu le plaisir ensuite de participer à plusieurs des actions qu’il organisait pour les professeurs du secondaire, et là aussi j’ai beaucoup appris. Je m’associe pleinement à cet hommage, en y a ajoutant mes remerciements pour tout ce qu’il m’a apporté.

Françoise Genova

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Je me rappelle vraiment de quelqu’un d’éminemment sympathique avec ses étudiants, avec le soucis d’encourager. Comme l’évoque très bien le texte de l’hommage, ses cours étaient vraiment vivants, remplis d’humour (pas un chapitre sans petit dessin humoristique !), la physique et l’astrophysique s’agençaient naturellement, tout semblait presque simple. Triste d’apprendre sa disparition.

Bernard Debray (Institut UTINAM, Besançon)

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J’ai suivi les enseignements du C4 d’Astrophysique de l’UPMC au debut des annees 1980. Ludwig Celnikier en assurait l’integralite : cours, TDs et TPs. Il etait un enseignant exceptionnel, privilegiant l’approche physique a l’anglo-saxone, ce qui rendait son cours tres different des autres cours de la Maitrise de Physique et aussi tres attrayant. Lors des TPs en soiree, nous allions regulierement faire une pause a un cafe, proche de Jussieu (L’Ecureuil) ce qui etait un moment tres convivial et agreable. J’ai conserve ses cours et m’en suis servi plusieurs fois pour preparer des cours. Il a publie le contenu de ces cours dans au moins un ouvrage. Il a ete un veritable modele pour des generations d’enseignant-chercheurs qui ont suivi.

Richard Monier (PR Sorbonne Universite)

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Je fais partie de ceux auxquels Ludwik a donné le goût de l’astrophysique. J’avais pris le module Astro en maitrise pendant l’hiver 1982, sans me destiner particulièrement à cette discipline. Le professeur titulaire était Jean Rosch, ancien directeur du pic du Midi en fin de carrière. Son cours consistait à décrire par le menu toutes les aberrations des télescopes optiques, et m’aurait certainement dégoûté de l’astro à tout jamais, sans les "TD" de Ludwik, qui nous parlait de la structure interne des étoiles, des naines blanches, ... et m’a fait comprendre toute la richesse et la variété de ce domaine. C’est vraiment grâce à lui que je me suis inscrit au DEA d’Astro et que j’ai continué ensuite.

Jean Ballet

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Sans avoir eu de collaboration scientifique réelle avec lui, je connaissais Ludwik comme quelqu’un de souriant avec qui il était fort agréable de discuter de tout sujet, scientifique ou non. Je souhaite adresser toute ma sympathie à ses proches.

Nicole Cornilleau-Wehrlin

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Ses cours m’ont passionné, j’ai suivi ses écoles d’astronomie d’été à Tarbes et à Marvejols avec un plaisir renouvelé chaque jour. C’était un alliage rare de science, de pédagogie et d’humour.

Gaston Durant

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Ludwik était mon professeur en DEUG à Paris 6 et il m’a inspiré profondément pour me diriger vers l’astronomie. C’était un professeur admirable qui savait transmettre sa passion pour l’astronomie. Par la suite, j’ai eu le plaisir d’échanger avec lui à Meudon et je suis désolée d’apprendre que je ne le verrai plus.

Athéna Coustenis

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Depuis l’époque où nous occupions des bureaux face-à-face à Meudon, il y a plus de 45 ans (!), Ludwik est longtemps resté un proche ami, nous avons partagé de nombreuses aventures et mené de profondes discussions. C’était une personne intègre, comme on n’en rencontre pas souvent...

Sylvie Vauclair

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Pour rendre hommage à Ludwik, je souhaite évoquer le souvenir de notre première rencontre. Cela remonte à l’été 1972. Nous participions tous les deux à un colloque sur le thème de l’équation d’état en astrophysique organisé par Evry Schatzman à Boulder. A la suite de ce colloque, nous sommes partis ensemble à travers le Colorado, l’Arizona et l’Utah. Ce furent quelques jours de partage et d’amitié qui m’ont permis d’apprécier les qualités humaines de Ludwik et son sens de l’humour.

Gérard Vauclair

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Je n’oublierai pas Mr Celnikier qui nous avait tous séduit par sa pédagogie, son charme, son inimitable accent, lors de ce stage d’été qui nous avait tous rendus plus savants, je lui rend hommage.

Hommage à Ludwik Celnikier qui nous avait tous rendu un peu plus savants lors de ces journées en Maurienne et dont nous garderons toujours la mémoire et le sens de l’humour. Notre sympathie pour sa famille.

Suzanne Maillot

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J’ai travaillé avec Ludwik à la fin des années 80, sur la mission "Comet Rendezvous Asteroid Flyby" (CRAF), que la NASA a ensuite abandonnée pour raisons budgétaires. Ludwik est resté longtemps un ami proche et m’a beaucoup appris, dans des domaines aussi variés que les subtilités de la langue anglaise, les textes d’Ambrose Bierce, Karel Capek, Mikhail Boulgakov, Omar Khayyam et beaucoup d’autres, le domptage de la ménagerie LATEX à ses débuts, et surtout l’art de rester libre face aux conventions et aux pressions institutionnelles et administratives, en mélangeant en permanence le rire et le sérieux. Nous avons perdu une personnalité rare et un ami précieux, mais nous n’oublierons pas son rire.

Nicole Meyer-Vernet

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Outre ses qualités humaines, toujours jovial et son esprit ouvert et compréhensible, je me souviens des années Atari, son petit calculateur avec clavier et écran vert (a l’époque), Ludwik était ravi de programmer ses idées en BASIC ! Un peu comme un bon compositeur de musique, mais je ne sais pas si ses programmes (1985- 2000) sont toujours accessibles !

Amaury de Kertanguy

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Je suis très triste d’apprendre si tard sa disparition. Ludwik était mon professeur d’option d’astronomie en DEUG 2ème année à Paris VI, en 1978 lorsque j’étais sur les banc de l’école avec Jean Aboudarham. Il fut ensuite en Maitrise de Physique notre professeur d’Astrophysique à Jean et Philippe Zarka. Je me souviens de Ludwik comme un enseignant non-conventionnel qui nous a fait aimer la physique et l’astrophysique. Ses cours étaient toujours emprunt d’humour, d’explications simples et lumineuses. Je me souviens aussi d’un de ses partiels : il y avait une page avec 3 sujets qui se résumaient chacun à une question ; il nous a dit vous pouvez avoir accès à tous les documents que vous voulez, le temps est illimité... Ludwik en fait nous formait déjà à la Recherche. Son but n’était pas de nous évaluer, de vérifier l’exactitude de ce que l’on faisait mais de nous permettre d’avoir une démarche scientifique. Ludwik est resté inoubliable, de tous mes professeurs d’université c’est le seul qui a compté pour moi.

Thierry Appourchaux


En bas de page, on trouvera dans les "Documents à télécharger" 3 articles en français publiés entre 1991 et 1997 dans le Bulletin de la Société Française de Physique.

On y trouvera aussi les versions numérisées des polycopiés de cours de Ludwik, datant des annnées 1970 à 1980. Ces polys rassemblent des notions développées par la suite dans ses ouvrages (cf. portfolio). La physique exposée reste en bonne partie d’actualité, mais les connaissances ont évidemment - et heureusement - beaucoup progressé, et certains résultats, théories, exemples sont obsolètes. Le style de l’auteur est caractéristique, mettant en avant les raisonnements physiques, les formules pouvant parfois (rarement) comporter des inexactitudes. L’intérêt de ces polys est donc avant tout historique, pédagogique, patrimonial... et ils restent très plaisants à parcourir, vivants, amusants, passionnants même. Ils sont mis à disposition grâce à la gentillesse de Patrick Canu, qui a proposé de les numériser. Ils sont fournis "bruts de scan", donc avec une qualité de numérisation variable selon les documents (contraste, cadrage...). S’il se trouve des volontaires pour post-traiteer ces fichiers, en améliorer la qualité, en réduire le volume, etc., nous remplacerons avec plaisir les versions actuellement en ligne.


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