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Le Rayon Vert d'Éric Rohmer.


Depuis le roman de Jules Verne, le Rayon vert est devenu un phénomène culte mis en scène dans de nombreuses œuvres de fiction. Parmi elles figure « Le Rayon vert », un film d'Éric Rohmer (1986). Ce n'est pas une adaptation du roman de Jules Verne, mais une transposition où il y est fait explicitement référence, ainsi qu'au phénomène atmosphérique.



De 0:56:06 à 1:01:32 (selon le minutage de la version DVD) a lieu une discussion (à Biarritz) sur le roman de Jules Verne. L'explication scientifique du rayon vert nous est donnée par le professeur, interprété par Friedrich Günther Christlein (1916-2008), un authentique professeur de physique allemand que Rohmer aurait rencontré par hasard lors du tournage selon Françoise Etchegaray (Rohmer et les autres, Noël Herpe, 2007 ).



À 1:29:06, apparition de la boutique de jouets et souvenirs Rayon Vert à Saint-Jean-de-Luz.



De 1:30:51 à 1:32:50 : séquence finale du coucher de Soleil à Saint-Jean-de-Luz, avec apparition du rayon vert à 1:32:30.



Rohmer a tenu à ce que ce rayon vert soit authentique. Vrai ou faux ? Truquage ou pas ? Voici un extrait du témoignage de Philippe Demard, qui a filmé ce rayon vert aux Canaries, paru dans la tribune de Libération du 14 mars 1998.

« Le film était terminé depuis le début de l'été, et Rohmer tournait déjà Reinette et Mirabelle. Cependant, il restait inachevé, faute de ce plan du rayon vert vers lequel tout le film convergeait.

Aucun stock-shot n'existait, et toute solution de trucage avait été écartée d'emblée par Rohmer, qui semblait ne devoir s'y résoudre que par désespoir. La production avait lancé un, puis plusieurs opérateurs à la recherche de ce phénomène atmosphérique rare. En vain. Malgré l'insistance de la production, Rohmer ne cédait pas.

Je fus contacté sept mois après les premières tentatives, en plein hiver, et proposais les Canaries. Avec un assistant, Florent Montcouquiol, aujourd'hui chef opérateur, nous nous sommes donc installés en planque avec un vieux Caméflex au sommet d'une falaise et avons filmé un rayon vert le soir même de notre arrivée. Rohmer, incrédule, insista pour que nous restions jusqu'à l'obtention d'une seconde prise. (Ce qui nous fit dix jours de vacances radieuses).

La meilleure des deux prises cependant était peu satisfaisante: le rayon était présent sur une vingtaine d'images seulement. Nous eûmes donc recours à un passage en Truca pour le prolonger par un ralenti et à un étalonnage plus sombre et plus vert pour en augmenter l'intensité.

On ne peut pourtant pas parler d'effet spécial, car il n'y a pas eu introduction d'élément hétérogène à l'image de départ. L'effet d'étrangeté de ce plan est dû à ce ralenti et à cette différence de tonalité de l'image. »
Et voici les explications de Rohmer lui-même, dans une interview donnée à Patrice Blouin, Stéphane Bouquet et Charles Tesson à l'occasion de la sortie de son film L'Anglaise et le duc (Cahiers du Cinéma, 2001 (juillet-août), 559, 50-58).
« Le rayon vert a été très difficile à obtenir. Il a été truqué effectivement, mais pas entièrement. Un opérateur l'a cherché pendant un an sans rien trouver. On n'a pas eu de chance, parce que ce rayon vert, je l'ai vu souvent dans ma vie. Il est allé aux îles Canaries, où il a réussi à filmer un coucher de soleil où il n'y avait pas trop de nuages, mais il n'y avait pas vraiment le vert parce que le ciel n'était pas assez pur. Donc, il a fallu colorer ce petit bout de soleil, mais il correspond à la réalité. Au moment où le soleil disparaît, le dernier morceau de soleil est vert, d'un vert très intense, presque bleu. »

[Le film Du Côté d'Orouët (1969), de Jacques Rozier, peut être considéré à plus d'un titre comme un plagiat par anticipation du film de Rohmer. On y voit filmés à plusieurs reprises de magnifiques couchers de Soleil, mais le Rayon vert ne se concrétise pas.]

[Le film de Claude Lelouch Les plus belles années d'une vie (2019) se termine également sur un rayon vert sensé être vu à Deauville. Ce clin d'œil appuyé à Rohmer apparaît dans les toutes dernières secondes du film, et sera manqué par ceux qui ont l'habitude de zapper le générique de fin.]

© 2020 Jacques Crovisier

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