Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

Sylvain Cnudde, l’art de saisir et de dessiner la vie

lundi 21 février 2022

Sylvain Cnudde
Sylvain Cnudde

Sylvain Cnudde est né et a grandi en région parisienne. Il ne saurait dire à quand remonte son intérêt pour le dessin. Certes, comme tous les enfants, il dessine. Au crayon, au feutre, avec tout ce qui lui tombe sous la main. Lorsque je lui demande s’il était, peut-être, un peu plus doué, modeste, il répond par la négative. « Je dessinais avec plus de constance et de passion », concède-t-il dans un sourire ! Il dessinait partout : à l’école, à la maison et même jusque sur les murs de sa chambre qui ont constitué sa première planche à dessin. Avec déjà, sans doute, l’envie de sortir des cadres étroits assignés par la traditionnelle feuille de papier. Cela ne manqua pas d’interpeller son père, étonné un beau jour de voir apparaître de nouveaux motifs sur le papier peint. Il ne se rappelle pas avoir été grondé… peut-être un premier encouragement à sa future vocation ?

Les années passant, dans le primaire puis au collège, il saisissait la moindre opportunité pour dessiner : absence d’un enseignant ou heure de permanence. Il fallait vite expédier les devoirs pour se livrer à sa passion : reproduire ou créer des illustrations en s’inspirant des ouvrages dont il disposait ! Il est entouré d’un groupe de camarades qui partagent son intérêt pour le croquis. L’émulation est là et ils se montrent leurs créations, inspirées de la vie du collège ou de leurs découvertes de vacances. Puis vient l’heure des choix. Hésitant car tout aussi intéressé par les matières littéraires que scientifiques, il tentera sa chance en première S. Mais il se ravisera, allant jusqu’à redoubler pour suivre les enseignements d’une première littéraire option arts plastiques au lycée de Montgeron dans l’Essonne. Il s’y sentira tout de suite bien plus à l’aise. Sa voie était tracée !

En 1998, une fois son baccalauréat en poche, il complète sa formation par une année de mise à niveau en art appliqué à l’école Estienne à Paris, dans le 13e arrondissement. Il s’agit d’une année de « tronc commun » qui, lorsque l’on vient d’un bac général, donne un panorama assez exhaustif des différentes filières possibles en arts plastiques : cours de dessin, stylisme, design, story-board… Au terme de cette année, on choisit sa voie. Pour Sylvain, cela sera la communication visuelle. Il va donc se concentrer sur l’édition, la publicité, le story-board (sorte de « pré-film sur papier » en préalable à une réalisation) et le graphisme.

Il poursuit son parcours par un BTS de communication visuelle (publicité, édition, graphisme), à Montreuil, au lycée Eugénie Cotton. Il y apprend à faire des logos, des affiches et des campagnes de promotion, mais aussi des slogans et des accroches. Il se familiarise également avec l’édition pour apprendre à réaliser et mettre en page des magazines, plaquettes et flyers. Enfin, en 2002, il complète sa formation par une année de licence-pro CIM (communication, informatique, multimédias) qui lui permet de toucher un peu aux bases de la programmation et aux sites web qui émergeaient à l’époque. Si ces aspects plus « techniques » ne le séduisent pas, ils lui permettent d’apprendre à dialoguer avec les programmeurs. Il s’initie à un travail d’équipe en trinôme : graphiste, rédacteur et programmeur. Il reproduit ainsi le processus de création d’un site web de A jusqu’à Z : conception, design et architecture. Cela lui sera utile pour le parcours professionnel qui, sous peu, s’offrira à lui.

En parallèle à ses études, sur conseil de ses professeurs, il développe des « carnets de croquis » pour se faire la main et trouver son style. Dans son domaine, il faut partir des fondamentaux, du papier, du crayon, de la peinture pour acquérir les bases du dessin en travaillant l’œil et la main. Dessiner, dessiner tout le temps ! Arpenter les rues des villes, observer les gens dans les transports, la salle d’attente du médecin, les cafés et, en quelques traits habiles, saisir et immortaliser des instantanés de vie. Ajoutons à cela un peu de caricature, de BD ou de fanzines. Une quinzaine de copains dont certains ont le talent du dessin, d’autres celui de l’écriture et qui mettent en commun leurs compétences, rien que pour le plaisir de réaliser l’un de ces petits journaux confidentiels de bandes dessinées autoproduites. Avec le recul dont nous disposons à présent, il semble clair que ces « petits plus » ont fait de lui le graphiste singulier qu’il est aujourd’hui ! C’est d’autant plus évident qu’il continue à « croquer » ses collègues pour illustrer des comptes rendus de réunions, le livret d’accueil du LESIA, des colloques, des ateliers ou des événements festifs et que son carnet ne le quitte pour ainsi dire jamais.


La grande coupole, août 2021
La grande coupole, août 2021

© Sylvain Cnudde


Son parcours professionnel débute en 2002 par deux années de CDD dans diverses structures dont le ministère de l’Intérieur où il travaille dans un service qui dépend de l’imprimerie interne. Ceci lui permet de voir fonctionner des rotatives et de travailler au sein même de la chaîne graphique dont il est partie prenante. Il complète ainsi sa formation et ses connaissances du domaine.

C’est en 2004 qu’il rejoint le LESIA puis le SIGAL (Service Internet, Graphisme et Archives du LESIA) qu’il intègre dès sa création en 2007. Ça n’est pas par passion particulière pour l’astronomie ou l’astrophysique qu’il arrive un beau jour dans notre laboratoire mais, tout simplement en passant un concours de technicien en graphisme du ministère de l’Éducation nationale. Il avait alors le choix entre cinq postes un peu partout en France mais voulait rester en Île-de-France. Dès lors, deux options s’offraient à lui soit à Jussieu, soit au LESIA. Il est donc venu sur place pour se faire une idée, intrigué également par l’une des contreparties du poste qui était de participer au service d’observation systématique du Soleil. Il rencontre alors Isabelle Bualé, responsable technique des observations solaires, qui lui apprend à se servir du spectrohéliographe sur lequel il devient assez rapidement autonome. Le voilà donc, quoi qu’il en dise, rattrapé par une activité en lien avec l’astronomie ! Il reconnaît d’ailleurs bien volontiers que c’est une motivation pour lui que de participer à l’activité scientifique de notre unité. À tel point qu’à ce jour, il continue ces activités une fois par semaine et un week-end par mois. C’est le seul service d’observation qui subsiste à Meudon et c’est important pour lui que de contribuer à le faire perdurer. Le lien entre l’observation et son métier de graphiste était alors l’image et son traitement.


Le coelostat, Meudon, juin 2021
Le coelostat, Meudon, juin 2021

© Sylvain Cnudde


Au sein du SIGAL, il intervient en qualité de graphiste et spécialiste de communication visuelle. Il a également un rôle de conseil et d’expertise dans la conception d’affiches, d’illustrations, de vues d’artiste ou de schémas didactiques. C’est également le photographe du laboratoire, qu’il s’agisse de prendre des clichés des nouveaux arrivants pour le trombinoscope ou d’intervenir en salle blanche pour un reportage en vue d’illustrer des tests en cours sur une manip ; pour alimenter les news du site du LESIA ou la photothèque de notre unité. Il intervient également à l’occasion de communiqués de presse pour les photos officielles des collègues mis à l’honneur.


Affiche de l'École de physique des Houches 2022
Affiche de l’École de physique des Houches 2022

© Sylvain CNUDDE


Pour ses réalisations, il utilise les logiciels Photoshop, Indesign et Illustrator, une tablette-écran graphique et un stylet électronique qui lui permettent de dessiner directement et de mettre en couleur ses réalisations avec une grande précision de trait. À titre d’exemple, en ce moment, il utilise cet outil pour réaliser une BD sur MIRS, un spectromètre qui va être développé au LESIA et embarqué sur la mission MMX qui devrait être lancée en 2024 pour explorer les satellites de Mars. L’avantage de cet outil est de pouvoir concevoir le dessin en direct. Cela n’empêche pas Sylvain de continuer à aimer le grain du papier, l’odeur de l’encre, la plume, le crayon et le pinceau qu’il combine aux outils plus contemporains tels le scanner et la tablette. Une palette complète qui lui permet de s’épanouir pleinement dans son art et de nous offrir toute la mesure de sa créativité.


Illustration pour le site "Cosmos en vidéo" - pour les (...)
Illustration pour le site "Cosmos en vidéo" - pour les primaires

Illustration réalisée en mars 2020 durant le confinement.
© Sylvain Cnudde


À l’image de celui qu’il est, son parcours au LESIA a commencé dans la discrétion. Il occupait alors des fonctions presque officieuses, une période de montée en puissance où il s’est fait la main pendant ses trois premières années de présence, qui lui ont permis de trouver son style. Carine Briand qui était déjà directrice adjointe à l’époque lui a demandé de pérenniser son activité, lui donnant ainsi « pignon sur rue ». Il devenait donc le graphiste en titre du LESIA avec un poste et un volume de réalisations bien définis ainsi qu’un rayon d’actions bien identifié. Depuis cette mise en place, le succès ne s’est pas démenti et les demandes vont croissant. Il apprécie particulièrement la diversité des commandes qui lui sont faites, l’autonomie dont il dispose dans son organisation et la relation directe avec les demandeurs. Si les demandes sont généralement précises (une affiche pour un atelier par exemple) il est ensuite libre dans la conception et la réalisation du support. Il arrive également, bien que moins fréquemment, qu’on lui laisse carte blanche et qu’il puisse donner libre cours à sa créativité. Si l’on fait le bilan, il se sent parfaitement épanoui dans ses fonctions et libre d’être force de proposition créative, entre « fun et formalisme » comme il dit avec un œil rieur ! Son originalité, sa singularité même, c’est de rendre accessibles et ludiques des thématiques parfois complexes, voire arides. Il réalise alors la prouesse d’inventer des personnages de BD qui viennent donner vie à des instruments, leur « offrir un visage », une proximité sympatique avec le lecteur sans pour autant exclure toutes les informations techniques indispensables à la communication du laboratoire.

Enfin, il est parfois également sollicité par le service communication de l’Observatoire ou l’UFE (unité de formation et d’enseignement) pour des illustrations et des photos, à l’occasion de la Fête de la science par exemple. Son rôle est alors de prendre des instantanés ou de fixer des moments forts pour le BIOP ou tout autre support de l’Observatoire, témoignages de la vie et des individualités qui s’y croisent. Comment imagine-t-il son futur ? Tout simplement le désir de continuer dans sa voie et au LESIA, peut-être, au gré des opportunités et de l’évolution des activités de l’Observatoire, de développer des collaborations sur de nouveaux projets et, pourquoi pas, interagir en binôme avec d’autres graphistes, confrontant ainsi leurs univers réciproques.

Ses passions et centres d’intérêt en dehors de son activité professionnelle ? Son carnet de croquis sous le bras, fidèle compagnon de ses pérégrinations, arpenter les villes au sein d’un collectif qui pratique l’Urban Sketching. D’un commun accord, ils choisissent le quartier d’une cité, en saisissent l’âme par le dessin des bâtiments, des gens du coin, de l’ambiance qui en fait toute la singularité. Des échanges bien sûr avec les passants car cela intrigue toujours que de voir un artiste en pleine action. Et comment mieux rendre l’esprit d’un lieu qu’en dialoguant avec ses habitants ? Puis, une fois leurs croquis finalisés, une rencontre autour d’un verre dans un lieu bien défini du quartier pour confronter et exposer leurs visions.


The Irradiates, juin 2019
The Irradiates, juin 2019

© Sylvain Cnudde


Le Live Sketching également. Il s’agit, cette fois, d’assister à des concerts dans des lieux plus ou moins confidentiels et en petit comité. Vivre la musique dans toute sa vibration, être partie prenante du concert au milieu et au contact des musiciens et du public. Le croquis est alors rapide, au rythme du son. Sans retouche, il vise à traduire le ressenti musical et l’ambiance. Un exercice « en direct » en live, pourrait-on dire ! Des expositions bien sûr. Essentiellement en local, à l’orangerie de Meudon. Un événement organisé tous les deux ans au mois de juin, une opportunité pour tous de découvrir l’ensemble de ses œuvres et, pour lui, d’échanger avec le public. Enfin, les voyages également qui sont pour Sylvain une source d’inspiration. Le plaisir de marcher sans but dans une ville ou dans une nature inconnue, d’en humer les parfums, d’en ressentir les singularités pour en rendre la substantifique moelle dans de nouveaux instantanés de vie.


Atelier "réparation vélo" à l'Observatoire, septembre (...)
Atelier "réparation vélo" à l’Observatoire, septembre 2020

© Sylvain Cnudde


Portrait rédigé par Luc Heintze

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