Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

De l’héliographe au télescope infrarouge

mardi 4 avril 2023

Vendredi 31 mars 2023, la monture de l’héliographe, qui n’était plus en fonctionnement depuis quelques années, a été retirée du toit du bâtiment 7 sur le site de Meudon. C’est un télescope infrarouge de 32cm à destination des étudiants qui s’installera à sa place.

Pendant près de 50 ans, entre 1956 et 2004, plusieurs générations d’héliographes monochromatiques ont permis d’effectuer des observations cinématographiques de la chromosphère, là où prend naissance l’activité solaire. C’est une page d’histoire qui se tourne, racontée par Jean-Marie Malherbe.

Démontage de la monture de l'héliographe de Meudon le 31 mars (...)
Démontage de la monture de l’héliographe de Meudon le 31 mars 2023

Crédit photo : Isabelle Bualé - LESIA / Observatoire de Paris-PSL

Démontage de la monture de l'héliographe de Meudon le 31 mars (...)
Démontage de la monture de l’héliographe de Meudon le 31 mars 2023

Crédit photo : Isabelle Bualé - LESIA / Observatoire de Paris-PSL


Les héliographes monochromatiques de Meudon

Un héliographe monochromatique est un instrument à bande passante étroite (moins d’un Angström). Il permet d’isoler une raie spectrale de la chromosphère solaire, la couche de 2000 km d’épaisseur (4500 à 8000 degrés) où prend naissance l’activité solaire. On y voit notamment des filaments et des centres actifs (taches, facules) pouvant évoluer en phénomènes hautement dynamiques comme les éruptions et les éjections de masse coronale. Les satellites peuvent ensuite les observer dans les raies ultraviolettes de la couronne, même à grande distance du Soleil, grâce aux coronographes embarqués de SOHO au point de Lagrange L1.

L’observation des phénomènes dynamiques a pris son essor dès 1954 à Meudon grâce à l’invention préalable, par Bernard Lyot, du filtre biréfringent. Grenat et Laborde ont mis en service le premier instrument, observant en Hα avec une caméra à films 35 mm. Les observations systématiques ont démarré en 1956.

En parallèle, la société OPL (Optique de Précision à Levallois) a fabriqué une bonne douzaine de filtres, basés sur la technologie transmise par Lyot, pour équiper de nombreux observatoires. L’entreprise SECASI de Bordeaux a également fabriqué, à cette époque, six copies de la lunette de Meudon (incluant monture et guidage). L’idée était d’équiper plusieurs observatoires en France, aux USA, en Chine et au Japon, en vue de l’année géophysique internationale de 1957-1958.

C’est ainsi que l’Observatoire de Haute Provence a démarré ses observations systématiques Hα en 1958. Elles ont perduré jusqu’au départ en retraite de l’observateur en 1994.

Notons, au passage, la supériorité des filtres de Lyot sur les Fabry-Pérot en ce qui concerne l’observation de la chromosphère solaire. Leurs ailes sont extrêmement faibles, empêchant la pollution de l’image par le continu photosphérique sous-jacent dont la conséquence est la réduction du contraste, avantage que la technologie des doubles filtres à entrelacement a encore renforcé.

La monture qui a été démontée vendredi 31 mars 2023 est postérieure aux premières observations. Fabriquée par la REOSC, elle date de 1964. Elle a porté plusieurs générations de filtres, notamment le premier instrument à bande passante ajustable dans la raie Hα, dit « lambda variable », qui avait l’inconvénient de ne voir qu’une portion du Soleil.

Un nouvel héliographe lui a donc succédé, en 1985, avec un filtre plus sélectif. Sa version à films 35 mm a fonctionné jusqu’en 1997. Il a ensuite été transformé pour observer avec un capteur CCD jusqu’en 2004.

L'héliographe de Meudon en 2002
L’héliographe de Meudon en 2002

Crédit photo : LESIA / Observatoire de Paris-PSL

Au total, les héliographes de Meudon et de l’OHP ont produit, en 50 ans, environ 7 millions d’images, dont 3000 bobines de 45 m, soit 135 km de film 35 mm. Ils sont précieusement conservés au sous-sol du bâtiment 14 à Meudon. Il n’est pas possible, pour des raisons de temps et de coût, d’envisager la numérisation de ces dizaines de kilomètres de film. Néanmoins, la numérisation de bobines à la demande est possible auprès d’un industriel.

Les successeurs de l’héliographe

Pendant ce temps, la concurrence internationale s’est développée. On peut noter l’apparition du réseau GONG de 7 stations Hα réparties en longitude, permettant une surveillance de la chromosphère 24 heures par jour dans des sites bien ensoleillés.

En combinaison avec l’usure de l’instrument de Meudon, il a été décidé que son successeur, appelé MétéoSpace et réalisé au LESIA en collaboration avec l’OCA (Observatoire de la Côte-d’Azur), serait une station 100% automatique installée sous le Soleil du plateau de Calern, près de Grasse, à 1270 m d’altitude. Les premières observations sont attendues pour l’été 2023.

Et la cabane roulante ?

Quel est l’avenir de la cabane roulante de l’héliographe de Meudon ? Une nouvelle monture, moderne et informatisée, est en instance d’installation pour les besoins de formation et d’enseignement. Le télescope infrarouge de 30 cm du Master 2 va y être installé avant la rentrée de septembre 2023.

Démontage de la monture de l'héliographe de Meudon le 31 mars (...)
Démontage de la monture de l’héliographe de Meudon le 31 mars 2023

Crédit photo : Julian Porras - LESIA / Observatoire de Paris-PSL

Démontage de la monture de l'héliographe de Meudon le 31 mars (...)
Démontage de la monture de l’héliographe de Meudon le 31 mars 2023

Crédit photo : Julian Porras - LESIA / Observatoire de Paris-PSL


Démontage de la monture de l'héliographe de Meudon le 31 mars (...)
Démontage de la monture de l’héliographe de Meudon le 31 mars 2023

Crédit photo : Julian Porras - LESIA / Observatoire de Paris-PSL