mercredi 26 mars 2014
Petit corps du Système solaire, Chariklo entre dans l’histoire de l’astronomie, suite à des travaux menés par un consortium international impliquant l’Observatoire de Paris. Une équipe scientifique incluant onze chercheurs du LESIA et de l’IMCCE [1] vient de lui découvrir un mini système d’anneaux, à la faveur d’une occultation stellaire. Jusqu’à présent, seules les planètes géantes, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune étaient connues pour posséder des anneaux. Tout à fait inattendue, cette curiosité s’ajoute donc au tableau, non sans susciter de nombreuses interrogations. Ce résultat marquant paraît en ligne dans la revue Nature, le 26 mars 2014.
Cette découverte est le fruit de travaux menés par les membres d’une équipe scientifique, à l’origine déjà de la détection en 1984 des anneaux de Neptune, parmi lesquels Bruno Sicardy et Françoise Roques. Trente ans plus tard, ces chercheurs ‘récidivent’ en détectant un mini système d’anneaux autour de Chariklo. Une première : les anneaux ne sont désormais plus l’apanage des planètes géantes, ni même des planètes.
Orbitant entre Saturne et Uranus dans le Système solaire externe, à 2 milliards de km de la Terre, 10199 Chariklo est un astéroïde qui appartient à la classe des centaures. Avec un rayon de 124 km, c’est le plus gros d’entre eux, actuellement connu. Cet objet très sombre a probablement été éjecté, il y a moins de 10 millions d’années, du disque de Kuiper par des perturbations gravitationnelles d’Uranus.
C’est une occultation d’étoile [2] par cet objet, survenue le 3 juin 2013, qui est à l’origine de la découverte de ses anneaux. Cette occultation a été suivie depuis une quinzaine de sites au Brésil, en Argentine, en Uruguay et au Chili, associant des observatoires professionnels (sept au total) et amateurs. La détection de deux brèves extinctions de l’étoile, symétriquement avant et après sa disparition derrière Chariklo, vues de plusieurs sites et se répartissant le long d’une ellipse n’a rapidement laissé aucun doute sur la présence de deux anneaux, excluant toute autre explication, comme des jets cométaires.
Structurellement, il s’agit de deux anneaux minces, circulaires, partiellement transparents et séparés de 8 km. L’anneau intérieur, 2013C1R, a une largeur de 6 à 7 km. L’anneau extérieur, 2013C2R, est plus étroit et plus diffus avec une largeur de 3 à 4 km. « Les anneaux de Chariklo sont semblables aux anneaux les plus étroits d’Uranus en terme de largeur et de profondeur optique. Cependant ils sont beaucoup plus petits en terme de rayon : environ 400 km au lieu de 50 000 km. Ce sont des "anneaux de poche" », précise Bruno Sicardy.
Les scientifiques ne s’attendaient pas à trouver des anneaux autour de Chariklo. Pour en expliquer l’origine, ils émettent plusieurs hypothèses, notamment celle d’une collision. Celle-ci aurait arraché de la matière au corps central et cette matière se serait stabilisée en orbite par un mécanisme inconnu. Les chercheurs pensent que la matière dans le futur pourrait se réaccréter en satellite. Mais quelle est la stabilité d’un tel système ? Quelle est sa durée de vie ? Combien en existe-t-il dans le système solaire ? Autant de questions passionnantes qui mettent les théoriciens au défi et ouvrent un nouveau domaine de recherche.
Ce travail de recherche fait l’objet d’un article intitulé « A ring system detected around the Centaur (10199) Chariklo », publié en ligne dans Nature, le 26 mars 2014.
doi : 10.1038/nature13155
Ce résultat, fruit d’une collaboration internationale, implique la participation française de onze chercheurs travaillant à l’Observatoire de Paris, dont huit au LESIA : Bruno Sicardy, Françoise Roques, Emmanuel Lellouch, Nicolas Ligier, Lucie Maquet, Pierre Kervella, Maryame El Moutamid, Jean Lecacheux, François Colas, Frédéric Vachier, Thomas Widemann.
[1] (Observatoire de Paris/CNRS/Université Pierre et Marie Curie/Université Lille 1)
[2] Lʼétoile UCAC4 248-108672