Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

Comète Hartley 2 - Herschel : nouveau regard sur l’origine des océans terrestres

jeudi 6 octobre 2011

Une équipe internationale, incluant quatre chercheurs du LESIA, annonce avoir découvert la première comète - 103P/Hartley 2 - qui renferme une eau similaire à celle des océans terrestres. Ce résultat, obtenu avec le télescope infrarouge Herschel de l’ESA, relance le débat à propos de l’origine de l’eau sur la planète bleue. Certains petits corps glacés du Système solaire pourraient bien avoir joué un rôle d’apport céleste. L’information paraît en ligne le 5 octobre 2011 sur www.nature.com et le 13 octobre dans la revue Nature.

La comète Hartley 2
La comète Hartley 2

vue le 25 octobre 2010 à 17,5 millions de kilomètres de distance et à 70 micromètres de longueur d’onde, par l’observatoire spatial Herschel.
(PACS / Herschel / ESA / Observatoire de Paris)

D’où vient l’eau des océans ? La question taraude les scientifiques depuis des décennies. Ils penchent aujourd’hui unanimement en faveur d’une origine extraterrestre de l’eau qui couvre les deux tiers du globe. La Terre était sèche et chaude à l’origine. La molécule d’eau y aurait, ensuite, été apportée par le bombardement de corps célestes. Comment ? Et par quel type d’objets : météorites, astéroïdes, comètes ? C’est tout l’enjeu du débat que viennent enrichir les dernières données d’observation de la comète Hartley 2, obtenues par le télescope spatial infrarouge européen Herschel. Ce résultat provient d’une étude menée en ondes submillimétriques, inobservables depuis le sol. L’équipe internationale, qui inclut des chercheurs du Laboratoire d’Études Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique LESIA (Observatoire de Paris, CNRS, Université Pierre et Marie Curie, Université Paris Diderot), a détecté pour la première fois l’eau mi-lourde HDO, forme particulière de l’eau H2O, au sein d’une comète issue de la ceinture de Kuiper, vaste réservoir d’objets glacés qui s’étend à grande distance du Soleil, au-delà de Neptune.

Un bon outil de diagnostic physico-chimique ici est le rapport relatif entre les abondances de deux molécules : l’eau ordinaire H2O (deux atomes d’hydrogène et un atome d’oxygène) et l’eau mi-lourde HDO où un atome de deutérium (deux fois plus lourd) remplace un hydrogène. Dans les océans, le rapport deutérium à hydrogène D/H vaut environ 0,0156 % : un chiffre similaire à celui trouvé dans les météorites issues de la ceinture des astéroïdes entre Mars et Jupiter. Dans les six comètes étudiées jusquelà, dont les célèbres Halley et Hale-Bopp, le rapport apparaît deux fois supérieur à celui trouvé sur Terre. Ceci semblait identifier les astéroïdes comme la principale source de l’eau terrestre. Les comètes n’auraient pas contribué pour plus de 10 %.

La nouvelle étude ramène pourtant ces dernières sur le devant de la scène : les comètes auraient bel et bien pu contribuer à l’eau terrestre. Hartley 2 découverte en 1986 est réapparue dans le ciel à quatre reprises depuis. Sa dernière incursion est intervenue en 2010. Le 20 octobre, elle est passée au plus près de la Terre, à 16 millions de kilomètres. Le télescope Herschel a ainsi pu la scruter le 17 novembre à l’aide du spectromètre Heterodyne Instrument for Far Infrared HIFI, meilleur instrument actuellement disponible pour détecter l’eau dans l’espace. Le rapport deutérium/hydrogène relevé est de 0,016 %. Une valeur semblable à celle des océans.

Ce résultat inattendu reflète sans doute la provenance spécifique de la comète Hartley 2 qui revient aujourd’hui tous les six ans près du Soleil : très probablement née au sein de la ceinture de Kuiper, au-delà de Neptune, elle a pu en être éjectée il y a quelques dizaines à centaines de milliers d’années. D’où sa composition différente. De leur côté, les six comètes précédemment étudiées se seraient formées près des planètes géantes du Système solaire. Leurs orbites perturbées les ont, ensuite, conduites à rejoindre le nuage de Oort, à plusieurs dizaines de milliers de fois la distance Terre-Soleil, ou plusieurs centaines de milliards de kilomètres du Soleil.

Le réservoir de petits corps présentant une eau semblable à celle de la Terre s’avère, en définitive, plus grand que prévu : il s’étend bien au-delà de la ceinture des astéroïdes, entre Mars et Jupiter, et irait jusqu’à la ceinture cométaire de Kuiper, audelà de Neptune.

L’eau des océans pourrait avoir été apportée jadis par une pluie d’icebergs cosmiques.

Signature (spectre) de l’eau mi-lourde HDO, forme particulière de l’eau, détectées dans la comète Hartley 2, le 17 novembre 2010, à environ 0,59 mm de longueur d’onde (509,292 GHz de fréquence) avec l’instrument HIFI de l’observatoire spatial Herschel.
(HIFI / Herschel / ESA / LESIA / Observatoire de Paris)

Campagne internationale

Les observations du télescope Herschel, en octobre et novembre 2010, ont été conduites dans le cadre de la campagne internationale de suivi de la comète Hartley 2. Dans ce contexte, la sonde Deep Impact/EPOXI de la Nasa a aussi survolé l’astre le 4 novembre.

Référence

Les résultats sont publiés dans l’article Ocean-like water in the Jupiter-family comet 103P/Hartley 2 qui paraît le 5 octobre 2011 sur www.nature.com et le 13 octobre dans Nature.

Collaboration

Les auteurs de ces travaux exercent au Max Planck Institut für Sonnensystemforschung, Lindau, Allemagne, au California Institute of Technology, Pasadena, Californie, au LESIA (Observatoire de Paris, CNRS, Université Pierre et Marie Curie, Université Paris Diderot), Meudon, France, au European Space Astronomy Centre, Espagne, à l’Université du Michigan et à l’Académie des sciences de Pologne, à Varsovie.

L’observatoire spatial infrarouge Herschel est un satellite scientifique de l’Agence spatiale européenne ESA. Il embarque des instruments réalisés par des consortia sous responsabilité européenne avec une importante participation de la Nasa. Le CNES, l’agence spatiale française, contribue au financement, à la réalisation et à l’exploitation des instruments, en partenariat avec les laboratoires et organismes de recherche.

Le spectromètre Heterodyne Instrument for Far Infrared HIFI a été fourni par des instituts, universités et laboratoires basés en Europe, au Canada et aux Etats-Unis sous responsabilité de l’Institut de recherche spatiale de Groningen, Pays-Bas, avec des contributions majeures de l’Allemagne, la France, les Etats-Unis.

Les observations de la comète Hartley 2 font partie du programme clé de temps garanti sur Herschel « l’eau et la chimie associée dans le Système solaire ».

Pour en savoir plus

Contacts LESIA