Observatoire de Paris Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

Les tornades solaires ne sont pas des tornades !

lundi 9 avril 2018

Contre toute apparence, les « tornades solaires » ne tournent pas. C’est la conclusion des travaux menĂ©s par une Ă©quipe de chercheurs europĂ©ens comprenant une astronome du LESIA, et rapportĂ©e le vendredi 6 avril 2018, Ă  la confĂ©rence European Week of Astronomy and Space Science (EWASS) Ă  Liverpool.

Une récente analyse des tornades solaires, structures observées à la surface du Soleil, gigantesques par leur taille pouvant atteindre plusieurs fois celle de la Terre, montre que ce phénomène a été mal décrit, car observé uniquement sur des images en deux dimensions.

Le phénomène a été observé pour la première fois au début du XXe siècle, à la surface du Soleil. Plus récemment, il a été filmé de près grâce à des instruments comme AIA équipant la sonde SDO de la NASA (Solar Dynamics Observatory), mais continuait d’être appelé "tornade" par les scientifiques, à tort.

Les films montrent en effet un plasma très chaud, visible en lumière ultra-violette, qui en apparence tourne sur lui-même en formant des structures géantes, à l’image des tornades qui surviennent sur la Terre.

Pour appréhender plus en détail ce phénomène, les scientifiques ont alors cherché à obtenir une troisième dimension, en combinant des données observationnelles, recueillies depuis plusieurs années sur différents types d’instruments au sol (Tour solaire de l’Observatoire de Paris, spectrohéliographe de l’Observatoire de Paris, télescope solaire Thémis de l’Observatoire du Teide) et dans l’espace (satellites SDO, Hinode et IRIS).

En déterminant l’effet Doppler, ils ont pu calculer la vitesse du plasma (40 kilomètres par seconde) ainsi que la direction de son mouvement, sa température et sa densité. Ils sont ainsi parvenus à "reconstruire" la structure magnétique complète qui soutient ces masses géantes. Ils en ont déduit qu’il s’agissait de structures bien connues par ailleurs et étudiées sous le nom de "protubérances".

Image composite d'une protubérance
Image composite d’une protubérance

Image composite d’une protubérance observée le 15 Juillet 2014 montrant en vert les observations coronales de EIS, en rouge celles en UV de IRIS et en bleue celles de Hinode/SOT (plasma à 10 000 degrés) . Les contours blancs localisent les tornades dans l’image faite en He D3 par THEMIS. Le fond de l’mage en gris est donné par l’instrument SDO/AIA observant le plasma à 100 000 degrés.
CrĂ©dits : droits rĂ©servĂ©s

Les tornades géantes solaires, désormais rebaptisées "protubérances en tornade", ont été observées pour la première fois sur le Soleil il y a environ un siècle. Elles avaient ainsi été nommées en raison du mouvement apparent de leur rotation, semblable à celui des tornades terrestres, mais cette perception était erronée. De fait, la comparaison avec des tornades terrestres s’avère abusive. Alors que celles-ci sont provoquées par des vents intenses, les protubérances-tornades solaires se forment à partir de gaz magnétisés enracinés sous la surface du Soleil, sans déplacement. Ce sont en fait les pieds des protubérances.

« Pour une fois, la rĂ©alitĂ© est beaucoup plus simple que ce que l’on a cru observer », commente Brigitte Schmieder, astronome au LESIA.

« Nous voyons qu’en dĂ©pit de l’apparence verticale des tornades et des protubĂ©rances au bord du Soleil, le champ magnĂ©tique qui les soutient n’est pas vertical, comme il semblait, mais horizontal, parallèle au bord du Soleil. Leur apparente verticalitĂ© est un effet dĂ» Ă  la projection de toutes les structures sur le plan du ciel.’’ explique Nicolas Labrosse, chercheur Ă  l’UniversitĂ© de Glasgow (School of Physics and Astronomy).

« Cet effet est similaire aux trainĂ©es d’un avion laissĂ©es dans le ciel. Si l’avion vole toujours Ă  la mĂŞme altitude, sa trainĂ©e semble s’interrompre sur la ligne d’horizon. Cela ne veut pas pour autant dire que l’avion s’est Ă©crasĂ© au sol. », prĂ©cise Arturo LĂłpez Ariste, chercheur CNRS Ă  l’Institut de Recherche en Astrophysique et PlanĂ©tologie (UniversitĂ© de Toulouse).

« Ces protubĂ©rances-tornades peuvent ĂŞtre stables pendant plusieurs jours et mois, avant d’exploser et de provoquer des Ă©jections de masse coronale dont les consĂ©quences dans l’environnement terrestre sont connues au titre de la mĂ©tĂ©orologie spatiale », souligne Brigitte Schmieder. « Elles peuvent entrainer des perturbations dans les centrales Ă©lectriques, les satellites et les rĂ©seaux de communications sur Terre ».

Références

Le rĂ©sultat de ces travaux a fait l’objet d’un ensemble de cinq publications :

  • B. Schmieder, M. Zapior, A. Lopez Ariste, P. Levens, N. Labrosse, R. Gravet, “Reconstruction of a helical prominence in 3D from IRIS spectra and images” ; A&A, 606, A30 (2017)
  • B. Schmieder, P. Mein, N. Mein, P. Levens, A. Lopez Ariste, N. Labrosse, L. Ofman, “H alpha Doppler shifts in a tornado in the solar corona” ; A&A, 597, 109 (2017)
  • P. Levens, B. Schmieder, N. Labrosse, A. Lopez Ariste, “Structure of prominence legs : plasma and magnetic fields” ; ApJ, 818, 31 (2016)
  • P. Levens, B. Schmieder, A. Lopez Ariste, N. Labrosse, K. Dalmasse, B. Gelly, “Magnetic field in atypical prominences : Bubble, tornado and eruption” ; ApJ, 826, 164 (2016)
  • P. Levens, N. Labrosse, B. Schmieder, A. Lopez Ariste, L. Fletcher, “Comparison between UV/EUV line parameters and magnetic field parameters in a quiescent prominence with tornadoes” ; A&A, 607, A16 (2017)

L’équipe européenne comprend

  • Nicolas Labrosse, SUPA, School of Physics and Astronomy, University of Glasgow, UK
  • Dr Peter Levens, SUPA, School of Physics and Astronomy, University of Glasgow, UK
  • Dr Arturo LĂłpez Ariste, Institut de Recherche en Astrophysique et PlanĂ©tologie, UniversitĂ© de Toulouse, CNRS, CNES, France
  • Dr Brigitte Schmieder, LESIA, Observatoire de Paris, PSL Research University, CNRS, Sorbonne UniversitĂ©s, UPMC Univ. Paris 06, Univ. Paris-Diderot, Sorbonne Paris CitĂ©, Meudon, France
  • Dr Maciej ZapiĂłr, Astronomical Institute, Academy of Sciences of the Czech Republic, OndĹ™ejov, Czech Republic