Observatoire de Paris Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

L’exo-planète géante longtemps suspectée autour de Bêta Pictoris probablement imagée

dimanche 23 novembre 2008

L’image d’une probable exoplanète autour de l’étoile Bêta Pictoris, éloignée de celle-ci en distance projetée de seulement 8 fois la distance Soleil-Terre et ayant 8 fois la masse de Jupiter, vient d’être réalisée par une équipe française, conduite par une chercheuse du CNRS du Laboratoire d’Astrophysique de Grenoble. Cette image a été obtenue à partir de l’analyse de données provenant du Very Large Telescope de l’ESO équipé de l’instrument NACO équipé d’un système d’Optique Adaptative performant (développé par un consortium de laboratoires francais dans les années 2000). Ce résultat sera publié dans Astronomy and Astrophysics Letters.

Connaître les mécanismes physiques qui sont à la clé de la formation des systèmes planétaires est un enjeu important en astronomie. Cette formation planétaire passe par un stade d’accrétion de la matière dans un disque protoplanétaire entourant la jeune étoile : la détection simultanée d’un disque et d’exoplanètes donne des contraintes fortes.

Bêta Pictoris, à 70 années-lumière de nous, est une étoile assez jeune, environ 12 millions d’années, entourée d’un disque de poussière qui à bien des égards peut être considéré comme un prototype. Il présente une zone interne relativement vide de poussière autour de l’étoile jusqu’à une cinquantaine d’unités astronomiques, ainsi que des déformations, des caractères qui peuvent être expliquées par la présence d’une exoplanète sur une orbite proche et légèrement inclinée. En outre, la présence de gaz produit par l’évaporation de comètes ou les regroupements de poussière silicatée sur des orbites spécifiques, proches de l’étoile suggèrent également la présence d’une exoplanète de type Jupiter sur une orbite vers 10 UA [1] . Mais jusqu’à présent une telle planète n’avait pas été détectée.

Une équipe française [2] conduite par une astronome, directeur de recherche au CNRS, du Laboratoire d’Astrophysique de Grenoble (UMR, CNRS, Université Joseph Fourier ; Observatoire des Sciences de l’Univers de Grenoble. INSU), a re-analysé des observations de Bêta Pictoris faites avec le Very Large Telescope (ESO) avec l’instrument NACO. Cette nouvelle analyse a permis de détecter ce qui pourrait être l’exoplanète la plus proche d’une étoile jamais imagée.

L’excellente qualité des images corrigées par optique adaptative permet d’assurer avec un bon niveau de confiance la fiabilité de cette source si faible dans le halo de l’étoile : les étapes cruciales d’analyse des données ont été refaites indépendamment par d’autres membres de l’équipe, appartenant au LESIA et à l’ONERA, et sur différents jeux de données afin d’écarter l’éventualité d’un artefact. La dernière question consiste à s’assurer que cette source n’est pas un objet beaucoup plus lointain (ou plus proche) que l’étoile, apparaissant, par hasard, projeté juste à coté. La probabilité d’une telle coïncidence est très faible étant donnée la séparation de la source, et plus encore que cette source apparaisse dans l’alignement du disque de poussière. En outre, des observations obtenues par le Hubble Space Telescope (NASA/ESA) à une époque différente, ne révèlent aucune source dans le visible, à la position d’une telle source, et excluent avec une bonne probabilite que la source détectée ici puisse être une étoile de fond.

A la distance de Bêta Pictoris, le flux de la source indique une masse d’une planète géante (8 fois Jupiter) à une séparation projetée de seulement 8 UA, soit la distance Saturne-Soleil. Ces caractéristiques sont tout à fait celles de la planète tant attendue pour expliquer les particularités du disque de poussière entourant Bêta Pictoris, étudié depuis des années. De plus, se situant dans une zone similaire à celle de nos planètes géantes dans notre système solaire, on peut envisager qu’elle se soit formée dans le disque proto-planétaire (par accrétion sur un coeur solide ou bien par des instabilités hydrodynamiques), alors que dans le cas de planètes massives beaucoup plus séparées des mécanismes de formation très différents (plus proches de ceux intervenant dans la formation d’étoiles binaires) pourraient être à l’oeuvre.

L’obtention d’une image d’une exoplanète aussi proche de son étoile est une avancée importante car elle permet d’obtenir de nouvelles contraintes sur les modes de formation des planètes et renforce encore la nécessité de développer des instruments de nouvelle génération qui équiperont les télescopes actuels et futurs, pour espérer dans un avenir proche détecter des planètes moins massives et plus froides.

Figure ci-contre : Cette image composite représente l’environnement proche de l’étoile Bêta Pictoris telle qu’on vient de l’observer en infrarouge. Cet environnement d’un très faible éclat, se révèle après une soustraction très précise du halo stellaire beaucoup plus lumineux. La partie extérieure de l’image montre la lumière réfléchie sur un disque de poussière, déjà observé en 1996 (Mouillet et al 1997) ; la partie interne est l’environnement très proche tel qu’il vient d’être observé à 3,6 microns (bande L’). La source nouvellement détectée est plus de 1000 fois plus faibles que Bêta Pic et est alignée avec le disque. Elle se situe à une distance projetée de 8 UA. Les deux parties de l’image ont été obtenues sur des télescopes de l’ESO équipés d’optique adaptative (resp. 3.6-m/ADONIS et VLT / NACO).

Référence

Planet around Beta Pic
Astronomy and Astrophysics, Letters, November 2008

Contact

Daniel Rouan (LESIA)

Notes

[1l’unité astronomique = distance Soleil-Terre, 150 millions de km.

[2L’équipe est composée de :
A.-M. Lagrange, D. Ehrenreich, G. Chauvin, D. Mouillet, Laboratoire d.Astrophysique de Grenoble (UMR, CNRS, Université Joseph Fourier) ;
D. Gratadour, D. Rouan, G. Rousset, E. Gendron, Laboratoire d’Etudes Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique, (UMR, CNRS, Observatoire de Paris) ;
T. Fusco, L. Mugnier, Office National d´Etudes et de Recherches Aérospatiales ;
F. Allard, Centre de Recherche Astronomique de Lyon, (UMR, CNRS, Université de Lyon 1).