JANSSEN ET
L’OBSERVATOIRE DU SOMMET DU MONT BLANC
(1893-1909)
Jules JANSSEN
(1824-1907) astronome, membre de l’Institut de France, est le fondateur de
l’Observatoire astronomique de Meudon (1876). Rattaché à l’Observatoire de PARIS
en 1926, créé par Louis XIV dès 1667, il constitue aujourd’hui l’un des plus
importants observatoires du monde.
I - QUELQUES
DATES CHRONOLOGIQUES REMARQUABLES
1888 : - ascension de JANSSEN aux
Grands Mulets (3050m), à l’aide de la fameuse « chaise échelle »,
(13 Octobre) pour des
observations du spectre solaire (suite de travaux entrepris au Pic du Midi dans les Pyrénées).
1890 : - première ascension de
JANSSEN au Mont Blanc à l’âge de 66 ans, par les Grands
(18 Août) Mulets (en chaise échelle),
l’Observatoire VALLOT (il y reste 3 nuits) et l’Arête des Bosses
(en
traineau). Etudes spectroscopiques.
- projet
d’observatoire au Mont Blanc (un bâtiment métallique pourvu d’une coupole que
l’ingénieur EIFFEL
s’engage à construire à condition d’asseoir
les fondations sur du rocher à moins de 12 m sous la glace).
1891 : - Sondages infructueux de
la calotte sommitale du Mont Blanc par IMFELD, ingénieur suisse aux ordres
d’EIFFEL
(2 tunnels horizontaux de 23 m de long creusés 12 m sous la cime). Abandon du
projet EIFFEL.
- édification d’un
édicule de bois au sommet du Mont Blanc pour tester la solidité de la neige :
JANSSEN
imagine déjà de
poser son observatoire directement sur la glace.
1892 : - tests à l’Observatoire de
Meudon de la résistance de la neige à l’enfoncement.
- conception (en
collaboration avec VAUDREMER, architecte membre de l’Académie des Beaux Arts)
de l’Observatoire
JANSSEN, en bois, et fabrication à Meudon.
- transport de
l’observatoire à Chamonix par la Compagnie PLM.
- transport en
pièces détachées sur les pentes du Mont Blanc (les 3/4 aux Grands Mulets à 3050
m, 1/4 aux
Rochers Rouges (4500 m) , à dos d’homme et à
l’aide de traineaux. 700 à 800 charges de porteurs !
- construction
d’un chalet (sur le modèle de l’observatoire primitif de VALLOT en 1890) au
Grand Rocher
Rouge (4500 m) pour loger les ouvriers
pendant les travaux du sommet.
1893 : - les pièces déposées
l’année précédente aux Rochers Rouges sont retrouvées sous 8 m de neige !
- transport des
pièces constituant l’Observatoire depuis les Grands Mulets et le Grand Rocher
Rouge vers
le sommet :
édification par les guides et les charpentiers de Meudon. Les grosses pièces
ont été tractées par
des treuils à
neige imaginés par JANSSEN.
11 septembre - 2ème ascension de JANSSEN au Mont
Blanc, via les Grands Mulets (en chaise échelle), le Grand Plateau,
le
Corridor, le mur de la Côte, la cabane des Rochers Rouges (à l’aide du traineau et des treuils à neige).
Nouvelles
études de spectroscopie solaire.
Inauguration de l’Observatoire.
1895 : - installation d’un
météorographe mécanique à longue marche (8 mois d’enregistrement continu):
baromètre,
hygromètre, thermomètre, anémomètre enregistreurs.
- 3ème et
dernière ascension de JANSSEN au Mont Blanc en chaise échelle et en traineau.
1896 : - mise en route de la
grande lunette polaire de 33 cm de diamètre (optique des frères HENRY de
l’Observatoire de Paris, à 2 verres) et du
sidérostat polaire de 60 cm. Au foyer : oculaire micrométrique
plus plaque photographique.
1897 : - JANSSEN préside une
expédition au Mont Blanc depuis Chamonix (handicapé par une chute dans
la grande coupole
de Meudon).
1899 : - essais de télégraphie à
fils dénudés posés sur le glacier (Grands Mulets-Mont Blanc, 10 km de câbles).
1904 : - tentative de photographie
de la Couronne Solaire hors éclipse.
- installation
d’un spectrographe au foyer de la grande lunette (prisme de 30° ; collimateur f=60 cm ;
objectif
de chambre f=30 cm).
1906 : - construction d’un abri
séparé pour les touristes et travaux de nivellement (par Monsieur BAUDOUIN,
architecte
du gouvernement).
1907 : - mort de JANSSEN.
1909 : - dislocation de la
charpente sous la pression glaciaire et abandon.
II - CHERCHEURS IMPLIQUES DANS L’EXPLOITATION DE l’OBSERVATOIRE JANSSEN
• environ 25 chercheurs, surtout astronomes.
• 5 expéditions par an en moyenne durant 10 ans, soit
environ 50 expéditions scientifiques de 1896
(date de mise en
service de la Grande Lunette) à 1906.
• record de durée au sommet : Monsieur STEFANIK (13
jours), Monsieur HANSKY (10 jours).
III - THEMES SCIENTIFIQUES ABORDES
Astronomie
- observations de
la lumière zodiacale.
- imagerie de
Vénus et Mercure.
- spectre solaire
Infra Rouge, Visible et Ultra Violet.
- observations de
la couronne solaire en dehors des éclipses.
- détermination
de la constante solaire (actinométrie).
Météorologie
- électricité
atmosphérique.
- Observations
continues (pression, température, hygrométrie, vitesse et direction du vent).
- étude de
l’ozone atmosphèrique.
Biologie
- hyperglobulie
d’altitude (lapins et cobayes).
- études bactériologiques
de la neige et de la glace.
L’Observatoire JANSSEN fut une
opération scientifique très audacieuse pour l’époque. La station, posée au
sommet même du Mont Blanc, n’était pas concurrente de l’Observatoire VALLOT
fondé quelques années auparavant 450 mètres sous le Mont Blanc, mais totalement
complémentaire, car elle était majoritairement destinée aux recherches
astronomiques. Il est clair, pour des raisons d’horizon et de turbulence
atmosphérique, que la construction d’observatoires sur les flans des montagnes
ne convient pas pour l’astronomie, c’est bien la raison pour laquelle seul le
sommet pouvait être choisi.
L’Observatoire JANSSEN ne put
être exploité que pendant 10 ans, à une époque où l’on recherchait la
pérennité. En fait, l’opération « Mont Blanc » était en avance sur
son temps. Visionnaire, JANSSEN avait compris quels étaient les enjeux
résultant d’observations astronomiques à une altitude aussi exceptionnelle,
dans le contexte des recherches scientifiques de l’époque, et ceci quelle que
fut la durée de l’édifice, très difficilement prévisible. Les équipements
scientifiques actuels (projets spatiaux, télescopes au sol) ne sont-ils pas
dépassés en dix ou vingt ans ?
Et pour finir,
citons JANSSEN : « Quelle station que cette cime ! Quels levers et quels
couchers, quelles nuits ! ».
J.M. MALHERBE
Observatoire de Paris
Section de Meudon