Observatoire de Paris Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

Première lumière pour l’imageur d’exoplanètes SPHERE

mercredi 4 juin 2014

(mise à jour le 11 juin 2014)

SPHERE – le Spectro-Polarimètre à Haut contraste dédié à la REcherche d’Exoplanètes – a été installé sur le Très Grand Télescope (VLT) de l’ESO qui équipe l’Observatoire de Paranal au Chili, et vient d’obtenir avec succès sa première lumière. Ce nouvel instrument de pointe, dont la vocation est de détecter et d’étudier des exoplanètes, combine plusieurs techniques avancées. Il affiche des performances nettement supérieures à celles des instruments existants et a offert des clichés impressionnants de disques de poussière autour d’étoiles proches ainsi que d’autres objets au cours de ses premières nuits d’observation. SPHERE a été imaginé et conçu par un consortium de nombreux instituts européens dirigé par l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble, France, travaillant en étroite coopération avec l’ESO. Cet instrument devrait révolutionner l’étude détaillée des exoplanètes et des disques circumstellaires.

Un nouvel instrument révolutionnaire pour le VLT

SPHERE a passé avec succès ses tests d’acceptation en Europe au mois de décembre 2013. Puis il a été acheminé à Paranal. La délicate phase de réassemblage de ses éléments constitutifs a été achevée en mai 2014. L’instrument est à présent installé sur le troisième télescope de 8-m du VLT. SPHERE est le dernier des instruments de seconde génération à équiper le VLT (les trois premiers furent X-shooter, KMOS et MUSE).

Le fonctionnement de SPHERE repose sur la combinaison de plusieurs techniques avancées. Il offre ainsi un contraste inégalé dans le domaine de l’imagerie directe d’exoplanètes – bien supérieur à celui de NACO, qui a capturé la toute première image directe d’une exoplanète. Le haut degré de performance de SPHERE s’explique par le développement, en amont, de nouvelles technologies notamment dans les domaines de l’optique adaptative, de détecteurs spécifiques et de composants coronographiques.

L’objectif principal de SPHERE est de détecter et de caractériser, au moyen de l’imagerie directe [1], des exoplanètes géantes en orbite autour d’étoiles proches. Cette mission relève du véritable challenge, non seulement parce que ces planètes se situent à très grande proximité de leurs étoiles hôtes, mais également parce que leur brillance est nettement moindre. Sur une image classique, acquise dans les meilleures conditions, la lumière en provenance de l’étoile masque totalement la faible lueur de la planète. Toute la conception de SPHERE repose donc sur l’obtention du contraste le plus élevé possible dans une minuscule région du ciel centrée sur l’étoile brillante.

La première des trois techniques novatrices utilisées par SPHERE est l’optique adaptative extrême, qui corrige les clichés obtenus des effets de l’atmosphère terrestre, et délivre donc des images extrêmement détaillées, à contraste élevé. La seconde est un coronographe qui bloque la lumière en provenance de l’étoile et augmente encore le contraste apparent. Enfin, l’application d’une technique baptisée imagerie différentielle permet d’exploiter les différences de couleur ou de polarisation qui caractérisent les lumières issues d’une étoile et d’une planète – ces subtiles différences peuvent contribuer à révéler l’existence d’une exoplanète invisible à l’instant de l’observation (ann13069, eso0503) [2].

Au cours des premiers tests sur le ciel, plusieurs objets d’intérêt astrophysique ont été observés et les différents modes de SPHERE validés. Parmi les résultats obtenus figure une des meilleures images jamais réalisée à ce jour de l’anneau de poussière qui entoure l’étoile proche HR 4796A. La résolution de l’anneau est exceptionnelle. Cette image témoigne également de la formidable capacité de SPHERE à supprimer l’éclat de l’étoile brillante située au centre de l’image.

Source : communiqué de presse de l’ESO.

L'instrument SPHERE, peu après avoir été installé sur le troisième télescope de (...)
L’instrument SPHERE, peu après avoir été installé sur le troisième télescope de 8-m du VLT de l’ESO.

Credit : ESO/J.-L. Beuzit et al.

Implication du LESIA dans SPHERE

Le LESIA a participé au projet SPHERE à différents niveaux. En tant que responsable des modes coronographiques, le LESIA a livré les composants coronographiques qui ont été fabriqués par le LESIA et l’Observatoire de la Côte d’Azur (OCA).

Ses efforts ont porté sur le développement d’un coronographe à masque de phase achromatique (HW4QPM) permettant d’atténuer la lumière de l’étoile centrale tout en permettant d’observer des planètes très proches. Les images ci-après montrent le composant coronographique et son banc de test installé sur le site de Meudon.

Composant coronographique achromatique
Composant coronographique achromatique

Un assemblage mécanique de lame demi-ondes a permis grâce à une précision de quelques microns de fabriquer ce composant coronographique achromatique, le HW-4QPM (Half Wave plate 4 Quadrant Phase Mask) basé sur le concept du 4QPM conçu à Meudon en 2000.
Crédits LESIA/Observatoire de Paris.

Banc de test YACADIREBench test YACADIRE
Banc de test YACADIREBench test YACADIRE

YACADIRE, le banc optique IR qui a servi aux tests des composants coronographiques réalisés par le LESIA et l’OCA.
Crédits LESIA/Observatoire de Paris

En collaboration avec l’ONERA, le LESIA a également participé au développement :

  • d’un senseur de front d’onde IR qui permet d’asservir la position de l’étoile sur le coronographe avec une précision de 0.5mas soit environ 100 fois mieux que la résolution théorique du télescope.
  • des miroirs tip-tilt
  • du calculateur temps réel pour l’optique adaptative
  • des tests d’intégration de l’optique adaptative qui se sont déroulés dans une salle blanche du LESIA.

Des résultats prometteurs

Au cours des premiers tests sur le ciel réalisés début mai 2014, plusieurs objets d’intérêt astrophysique ont été observés afin de valider les différents modes d’observation de SPHERE. Parmi les résultats obtenus, figure une des meilleures images jamais réalisées à ce jour de l’anneau de poussière qui entoure l’étoile HR 4796A, à l’intérieur duquel ont pu se former des planètes (qui restent à détecter).

Une image du disque situé autour de l'étoile HR 4796A réalisée par (...)
Une image du disque situé autour de l’étoile HR 4796A réalisée par SPHERE

Crédits ESO/J.-L. Beuzit et al./SPHERE Consortium
Cliquer sur l’image pour l’agrandir

La résolution de l’anneau est exceptionnelle. Cette image témoigne également de la formidable capacité de SPHERE à supprimer la lumière de l’étoile brillante située au centre de l’image tout en corrigeant des effets de la turbulence atmosphérique. L’analyse de ce type l‘image nous renseignera sur les mécanismes de formation des planètes dans d’autres systèmes planétaires.

Les performances exceptionnelles de SPHERE sont également illustrées par l’image de l’étoile iota Sagittarii autour de laquelle un compagnon (une étoile de faible masse) a été observé pour la première fois.

Images d'un compagnon orbitant autour de l'étoile iota du Sagittaire
Images d’un compagnon orbitant autour de l’étoile iota du Sagittaire

Images obtenues avec deux instruments de SPHERE, le spectrographe infrarouge IFS et la camera infrarouge IRDIS. Le compagnon est une étoile de faible masse 9 magnitudes plus faible que l’étoile et situé à une séparation de 0.24 arcseconde.
Crédits ESO/J.-L. Beuzit et al./SPHERE Consortium

La première lumière de SPHERE, obtenue début Mai 2014, a permis de valider le fonctionnement de ces coronographes sur des étoiles. La figure ci-dessous montre des images obtenues sur le ciel d’une étoile simple.

Images obtenues sur le ciel d'une étoile simple
Images obtenues sur le ciel d’une étoile simple

Images d’une étoile obtenues sans (à gauche) et avec le coronographe (à droite) pour deux coronographes, le HWQ4PM fabriqué au LESIA (en haut) et le masque de Lyot apodisé fabriqué à l’OCA (APLC, en bas). Ces images coronographiques sont conformes aux prédictions.
Crédits ESO/J.-L. Beuzit et al./SPHERE Consortium

L’instrument va de nouveau subir une série de tests intensifs au cours de l’année 2014 pour terminer la validation de tous les modes d’observations et être en mesure de l’offrir à la communauté à partir de début 2015. A ce moment là, débutera un très grand relevé pendant 5 ans sur plusieurs centaines d’étoiles pour chercher de nouveaux systèmes planétaires. SPHERE pourra étudier l’atmosphère de ces nouvelles planètes géantes et les propriétés des disques de poussières dans lesquelles les exoplanètes se forment.

L’instrument sera mis à disposition de la communauté des astronomes en 2015.

Consortium européen de laboratoires

SPHERE a été développé par un consortium européen piloté par l’Institut de planétologie et astrophysique de Grenoble (IPAG, CNRS/Université Joseph Fourier) avec l’ONERA, le Laboratoire d’astrophysique de Marseille (CNRS/AMU), le Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Observatoire de Paris/CNRS/UPMC/Université Paris Diderot), le laboratoire Lagrange (Observatoire de la Côte d’Azur/CNRS/Université Nice-Sophia Antipolis) ainsi que des instituts allemands, italiens, suisses et néerlandais, en collaboration avec l’ESO (l’Observatoire européen austral).

Pour en savoir plus

 Actualité sur le site de l’Observatoire de Paris

Contact LESIA

Notes

[1La plupart des exoplanètes connues à ce jour ont été découvertes au moyen de techniques indirectes – basées sur la mesure des variations de vitesse radiale de l’étoile hôte par exemple, ou bien encore sur la baisse de luminosité de l’étoile résultant du transit d’une exoplanète. Pour l’instant, seules quelques planètes ont été détectées au moyen de l’imagerie directe (eso0515, eso0842).

[2Autre astuce très simple utilisée par SPHERE : l’acquisition de nombreuses images d’un même objet, en opérant une rotation significative entre chaque image. Les artéfacts créés par le processus de traitement d’image subissent cette rotation, au contraire des objets réellement présents dans le ciel qui, eux, demeurent fixes.