Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

De la radioastronomie à la physique des plasmas spatiaux : une histoire

Comment l’Observatoire s’est lancé dans l’espace...

Conférence donnée par Jean-Louis Steinberg à l’Observatoire de Meudon le 6 avril 1998.

Qu’est-ce qu’un type III ?

Ces sursauts sont produits par des électrons éjectés du Soleil. Ils suivent une ligne de force magnétique spiralée à cause de la rotation du Soleil. Le long de cette ligne de force, les électrons traversent des régions du milieu interplanétaire de densité décroissante vers l’extérieur. A chaque distance du Soleil, ils déclenchent une émission radio a fp et à 2fp et ces fréquences diminuent (comme la densité) avec la distance au Soleil.

Le spectre des types III dérive donc avec le temps de parcours vers les basses fréquences. Ceci est clairement visible sur les spectres radio.

Quelques mots sur WIND lancé en 1994 : il emporte le récepteur le plus perfectionné construit au labo sous la responsabilité scientifique de Jean-Louis Bougeret et technique de Bob Manning ; il couvre tout le spectre depuis les plus basses fréquences jusqu’à celles qui sont quelquefois reçues au sol à Nançay.

Wind est capable de fournir une direction complète à deux dimensions. Quand on dispose, en plus, de mesures de direction obtenues à Nançay (ou à bord d’un autre satellite) à la même fréquence, on peut trianguler complètement la position de la source de type III en fonction de la fréquence et suivre, ainsi, la forme des lignes de force le long desquelles voyagent les électrons excitateurs.

Cette mesure peut être perturbée par l’existence d’inhomogénéités de densité dans la couronne et le vent solaire. Par exemple, la taille de la source radio augmente quand cette source passe du centre du Soleil au bord de l’astre : le trajet des ondes dans ce dernier cas est plus long et la source paraît grossie à cause de l’effet des inhomogénéités du milieu qui, sur chaque pas du trajet, dévient le rayonnement de peu mais de façon aléatoire.

ISEE-3 permettra aussi de détecter une nouvelle émission radio terrestre isotrope baptisée ITKR. Quand l’article correspondant a été soumis, le lecteur-expert désigné nous a téléphoné en disant "vous ne prétendez tout de même pas avoir trouvé une nouvelle émission terrestre ?" et pourtant elle est bien là ; et lui-même l’a retrouvée bien plus tard dans les données de WIND.

Sur le spectrogramme du bas, on voit, en haut, la trace d’une émission aurorale, très irrégulière, qui provient de l’environnement terrestre et est assez bien connue. Plus bas, on voit la nouvelle émission qui est beaucoup plus diffuse et atteint des fréquences nettement plus basses. On peut évaluer la dimension de ces sources en étudiant la modulation du signal que l’on en reçoit quand le grand dipôle tourne. On trouve que la source aurorale est étroite (quelques degrés) alors que l’autre couvre presque tout le ciel. Ces deux rayonnements, l’ancien et le nouveau, ne proviennent donc pas de la même source.

Rappelez-vous que les expériences faites avec les fusées EIDI avaient montré que les antennes n’étaient pas seulement sensibles aux ondes de radio mais à d’autres ondes : des ondes électrostatiques. Ces ondes sont dues au mouvement des électrons ; ces mouvements aléatoires définissent la température du milieu. Le signal dû à ces mouvements est donc d’origine thermique. Le signal du spectre thermique est faible et il n’a pu être exploité au laboratoire que grâce à des récepteurs parfaitement conçus puis constamment perfectionnés depuis ISEE-3 jusqu’à Ulysse et à Wind.

Sur ce spectre du bruit thermique, on a porté les différents paramètres physiques qui contrôlent sa forme. Le pic est observé à la fréquence de plasma fp, ce qui fournit la densité totale des électrons. Le spectre thermique est lié à la température des électrons laquelle dépend de la distribution des vitesses des particules électrisées. Dans le milieu interplanétaire la distribution des vitesses des électrons contient deux composantes, une étroite, le coeur, qui contient surtout des électrons relativement lents, et une autre plus large, le halo, qui contient des électrons rapides. La largeur du pic spectral dépend du rapport des densités du halo (nh) et du coeur (nc) ; la hauteur du pic, du rapport des températures du coeur et du halo. Vers les basses fréquences, le spectre dépend de la vitesse du vent solaire ambiant et de la température Tp des protons.

Sur ce spectre, chaque point représente un résultat de mesure du bruit thermique. Le trait continu est obtenu par un ajustement mathématique à ces points des lois théoriques du phénomène. De cet ajustement, on déduit les paramètres du plasma.

On peut ainsi obtenir, en fonction du temps, la variation de ces paramètres d’un plasma :

En haut, variation en fonction du temps et de la fréquence du signal reçu qui contient surtout du bruit thermique. Le pic de la raie est à la fp du milieu. On en déduit la densité électronique de ce milieu. A chaque instant le spectre est exploité comme sur la figure précédente, ce qui donne les résultats portés en bas. Cette image illustre clairement comment les données peuvent être exploitées pour fournir les paramètres physiques du milieu.